dimanche 19 février 2012

TERRE EN VUE !!!

Dimanche 19 sur le Corcovado, au tout petit matin, c'est l'excitation qui monte de plus en plus... ils sont maintenant à 46 Miles des côtes américaines ... mais une légère brume illuminée de soleil rend la ligne d'horizon très floue ... Puis 2h30 plus tard, ça y est, elle est là, LA TERRE !!! un tout petit bout de terre ... il faudra attendre encore un peu que la côte se découpe clairement.


L'heure est donc aux derniers réglages pour assurer le meilleur cap vers l'entrée des canaux, en espérant pouvoir arriver dans ce véritable goulet, à l'étal, soit à 13h30. Sinon, il faudra attendre la marée basse de 19h30. Entre les deux, impossible de passer, car le courant atteint, selon nos sources, 7 à 10 noeuds !! La patience reste donc de mise jusqu'au bout de cette longue traversée (5000 miles nautiques, soit environ 9 000 km parcourus à une "vitesse" de 10 km/h en moyenne), et dans l'attente, on peut faire un dernier décompte des jours (heure NZ):
Départ de Nouvelle Zélande - Napier :         le 11 janvier
Arrivée sur les côtes du Chili - Ancud :        le 20 février
soit pile 40 JOURS ! 

Ok, le Gab a gagné son pari, et tant mieux pour eux car ils sont tous bien contents de se passer de 10-15  jours supplémentaires en mer ! Sous Spi, on leur souhaite une arrivée avec le soleil pour se ravir des paysages de Chiloé et un débarquement merveilleux à Puerto Montt. 

Nous on profite des températures enfin estivales avant le Chili, mais on se réjouit aussi tellement d'être là bas, de retrouver Gab, le Corco, voir la tête de nos petits jeunes et les entendre après ces 40 jours de mer ... et bien sur, découvrir l'Amérique !




C'est donc le ménage, les adieux à Rosie, et la fin des cours pour Leila !

  et Nina devrait apprécier de voir son père autrement qu'en photo, même si la barbe, ça pique un peu ... 





mercredi 1 février 2012

Au milieu du Pacifique

31 Janvier 2012 ... après 20 jours de pleine mer, le Corcovado a parcouru la moitié du Pacifique sud. 
Il approche les 50°S, à la recherche des vents portants.
Si les premiers jours ont été favorables en matière de vents, avec des distances parcourues de plus de 170 miles/j, depuis une dizaine de jours, les pointes de vitesse se font plus rares, avec des vents faibles, et plutôt Est ... 
Mais la moyenne reste bonne puisqu'à cette allure, il se pourrait bien que le Gab gagne les paris, avec sa prévision de 40 jours pour la traversée !
Mais il reste encore plus de 2 000 miles à parcourir, et la patience reste de mise !
Nos marins commencent cependant à prendre plaisir à cette vie d'ascète, après une période de déprime profonde ! Faut dire que la météo n'était pas de la partie, avec de la pluie, du vent et du froid qui les obligeaient à se terrer dans les cabines ... sur des lits quelque peu humides, voire carrément mouillés du fait de la belle houle déferlant sur le pont, et arrosant généreusement l'intérieur du bateau par les descentes !
Pour fêter la mi-parcours, ils bénéficient d'une belle journée, et s'organisent une Pizza Party suivie d'un gâteau au chocolat, le tout arrosé d'une bonne bière, les bouteilles de champagne ayant été vidées à Napier, pour les retrouvailles ...

Avec le moral à la hausse, les langues se délient. 
D'abord, ce qu'il leur manque le plus ... poétiquement parlant, une belle lune ... oui celle avec la raie au milieu !! De vrais routiers nos marins !!
Mais laissons la parole au capitaine: "Les jours s'égrainent et ne se ressemblent pas. Certains jours le moral est en bas surtout les premiers jours, et d'autres où tout va bien, où l'on profite de l'environnement surtout lorsqu'il y a du soleil et que la mer nous laisse vivre normalement à bord. Le soir et le matin, le ciel prend des teintes merveilleuses et les développements nuageux sont magnifiques. Ce matin, des filaments nuageux montaient à la verticale dans le ciel, et hier soir on pouvait voir plein sud des développements, comme si c'était au dessus d'une terre lointaine. Avec ce froid, la luminosité est très belle et la mer très bleue. Vraiment, ce sont des moments à vivre et plus on avance, plus on se sent bien et les moments de blues disparaissent.
Pour ma part, je savais à quoi m'en tenir concernant la gestion de mon activité à bord, donc pas de surprise. Ce qui a été le plus difficile, c'était le départ, le fait de couper les liens avec ceux que je laissais derrière moi, et me  dire que je ne les reverrai plus durant une longue période bien que la notion de longue période soit toute relative ... mais dans mon cas, la petite Nina que je laissais dans une période où chaque jour apporte des changements, c'était un peu frustrant.

Autrement, la vie à bord se passe bien, mes équipiers sont très agréables, de bonne compagnie tout en étant indépendants. Les difficultés de communication avec Lance réduisent malheureusement la conversation avec lui à l'essentiel, mais toutefois, grace à son autonomie et son intelligence, ça ne lui crée pas un problème, et du coup, à moi non plus. Ce n'est pas un marin dans l'âme, mais il est suffisamment réfléchi pour donner un bon coup de main à Victor dans les manoeuvres et participer aux autres tâches.
Quant à Victor, je découvre un jeune homme bien dans ses pompes et d'humeur constante. Il est passionné de voile et toujours prêt à sauter sur le pont pour faire ce qu'il y a à faire. Plein de vie, faisant le bon geste au bon moment, prévenant une casse éventuelle, prêt à participer à tout pourvu qu'il puisse apprendre, très attentionné pour les autres, bref, un vrai plaisir de naviguer avec un gars comme ça.

Pour ce qui est de l'arrivée à Puerto Montt, il est clair que ce sera un grand moment dont nous nous réjouissons déjà. On en parle parfois, de la fête que l'on fera, de l'entrecôte salade qu'on va se taper, et pour Victor, des footing derrière les jolies Chiliennes qui n'auront qu'à courir vite !!  Et moi, de l'arrivée de ma petite famille ! Mais il est encore un peu tôt pour penser à tout ça, la route est encore longue."

Pour Victor, voilà ce qu'il en est: 

"Voilà maintenant 20 jours que nous avons quitté la Nouvelle-Zélande. Tout c'est bien passé jusque là, même si quelques "habitudes" ont été plus pénibles à prendre que d'autre.
Pour citer quelques exemples, ne pas pouvoir marcher plus de 12 m d'affilée, ne rien faire pendant plusieurs heures, accepter l'humidité permanente, accepter les autres et leurs habitudes parfois différentes des miennes, bref, une multitude de petites choses qui paraissent si simples vues de l'esprit mais qui peuvent parfois s'avérer plus compliquées à vivre. A chacun de prendre sur soit ! En ce qui me concerne, c'est très clairement les jours 4 et 5 qui auront été les plus pénibles, ils ont été la barrière à franchir pour passer à un ''mode de vie a bord'' . De même, mon corps, suite à un manque d'exercice comparativement à d'habitude, a eu besoin de temps pour s'accoutumer. La température et le vent sont nettement plus froid que ce que j'avais pu imaginer... Avant de partir, je pensais que nous passerions plus de temps dans les manoeuvres et à la barre mais pas du tout: les trajectoire sont tellement longues que barrer le bateau devient d'un ennuyeux et on finit par laisser cette tâche au windpilot qui travaille à merveille.

Je ne me lasse cependant pas du tout de rêver pendant plusieurs heures par jour en regardant l'horizon, et le plaisir de voir le vent accomplir son oeuvre dans les voiles n'est à aucun moment dissipé.
Quand la mer le permet, nous cuisinons et j'en profite pour apprendre de Gabriel quelques bonnes recettes.
En termes de nourriture là aussi mes gouts sur le bateau ont été bousculés: d'habitude grand adepte du Chocolat, j'en suis en quelque sorte écoeuré en navigation. Le pain également n'est absolument plus ma tasse de thé ...
Quand j'imagine l'arrivée, c'est au petit matin, sous un beau soleil de matin, dans un petit port de pêche. Alors là, il ne sera pas question de cuisiner quoi que ce soit une fois à terre !! Ce sera le restaurant direct pour un bon gros steak frite et salade. Le nutella sera également le bienvenu au petit déjeuner et pour finir, un petit Macdo pour remettre le transit en route  !!
En tout cas, à aucun moment jusqu'à présent je n'ai regretté d'avoir embarqué pour ce magnifique voyage !!! Et il est en train de m'aider pour mes décisions futures  ...   Verdict : Ca envoie du gras !!!

Pour les impressions de Lance, c'est du direct, tant pis pour ceux qui ne parlent pas l'anglais, je ne me fendrai pas d'une traduction !

"Reflecting on the first half of our voyage I can now distinguish three separate stages I have personally gone through. The first is what I like to call the "Oh shit, what have I got myself into" stage. In week one I was fully in this stage, nervous every time the wind changed, trying so hard to understand the directions given by Gab and translated by Victor then handed to me that I would inevitably make a stupid mistake and have to either do what I was doing all over again or have Victor do it for me. This stage was filled with such mistakes because instead of thinking for myself I was simply trying to follow the directions exactly… bad idea. The second stage was the "Stay out of the way" stage where I attempted to make my presence known as little as possible. I felt myself inept and just a nuisance so I stuck to the cabin and read, a lot. This stage lasted for about another week. The third stage, the stage I currently find myself in, and hope to stay in, is the "Well this is pretty great, let's take care of business" stage. In this stage I find myself enjoying the bad weather as well as the good and trying to put myself in every situation where I could be a help. I now understand everything we are doing and I like doing it. My relationship with Victor and Gab has gotten better and better, we play the occasional game of chess or poker but mostly we just enjoy conversation. Usually they talk in French but I am fine with that and take pleasure in the camaraderie. I know the second half of the voyage will be difficult, but I am excited to take it on and am glad to be taking it on with these two French bastards."

Quant à nous, les gonzesses, restées à terre, ma foi, nous sommes bien contentes d'être là, et vraiment convaincues d'avoir fait le bon choix ! Faire cette traversée aurait été juste hooooorrrrrriiiiiible ! 
Alors, on joue les pirates sur les bancs de sables et petits îlots qui se découvrent à marée basse, et on assure les chefs cuistos pour nos si agréables hôtes Min et Mike, en hommage à leur générosité, et à leur si bel endroit !